La crise sanitaire du Covid-19 à laquelle nous faisons face, touche un grand nombre de commerçants, en particulier les établissements de restaurations, et débiteurs de boissons, considérés comme des vecteurs importants de propagation du Covid-19. En effet, ils ont été les premiers touchés par cette crise en mars 2020, et ce de manière radicale : fermeture de leurs portes jusqu’à autorisation de réouverture par le gouvernement[1].
Cette prise de décision par les pouvoirs publics n’a pas été sans conséquences. Les restaurateurs ont vu leur chiffre d’affaires considérablement diminué, quasiment nul pour certains sur les périodes de confinement. La plupart ont été dans l’obligation de modifier leur fonctionnement de travail en optant, par exemple, pour la préparation de commande à emporter.
Face à l’augmentation de leurs pertes d’exploitation, les restaurateurs ont sollicité leur assurance afin d’être indemnisés de leur préjudice financier. L’attente escomptée vira rapidement au cauchemar.
En effet, le premier réflexe des assureurs a été de refuser de procéder au process d’indemnisation en se justifiant soit par l’existence de clauses exclusives de garanties inclues dans les polices d’assurances souscrites, soit par le silence ou l’ambiguïté des contrats en matière de Pandémie. Ainsi, face à cette fin de non-recevoir des assureurs, certains restaurateurs courageux ont saisi d’abord les tribunaux de commerce en référé pour faire face à cette urgence financière. Mais encore fallait-il caractériser l’urgence pour obtenir recevabilité de la demande.
L’un des premiers saisis a été le Tribunal de commerce de Paris, le 22 mai 2020[2]. En espèce, l’établissement de restauration a parfaitement démontré que sa situation financière s’était gravement détériorée, se traduisant par un déficit de trésorerie certain.
La police d’assurance prévoyait « une extension pour les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative imposée par les services de police ou d’hygiène ou de sécurité. »
Par ordonnance de référé, le Tribunal a donc condamné l’assureur à indemniser à titre de provision la somme de 45 000 € à la société exerçant une activité dans le domaine de la restauration. L’assureur aurait dû exclure le risque pandémique s’il voulait échapper à son obligation d’indemnisation.
Cette victoire a suscité un espoir chez de très nombreux entrepreneurs ayant dû fermer leurs établissements. Mais cette dernière est à relativiser. Cette décision est d’exécution provisoire, et rien ne garantit qu’une décision sur le fond de l’affaire sera prise dans ce sens.
La clause de garantie, précédemment citée, est relativement générale et se voit inscrite dans un bon nombre de polices d’assurance.
Est également répandue, un dualisme de dispositions contractuelles. De cette façon, nombreux contrats comprennent une clause exclusive de garantie stipulant :
« Sont exclues :
- Les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.»
Or, une autre clause au contrat pouvait garantir les pertes liées à une épidémie.
Partant de ce constat, saisi sur le fond, le Tribunal de commerce de Paris[3] a condamné un assureur à prendre en charge les pertes d’exploitation de cinq restaurateurs. Les juges du fond ont constaté que cette clause d’exclusion était trop large et non limitée. Selon le Code des assurances[4], une clause d’exclusion doit être précise et circonscrite.
Les Tribunaux, pour écarter les clauses exclusives de garanties, se fondent également sur l’article 1170 du Code civil qui dispose que doit être réputée non écrite, toute clause vidant de sa substance l’obligation essentielle du débiteur. Ainsi, dans une décision en date du 24 août 2020, le Tribunal de Tarascon a condamné un assureur à indemniser un restaurateur pour ses pertes d’exploitation dues à l’épidémie de COVID-19.
Ces différentes décisions sont des victoires de taille pour le monde de la restauration.
Le cabinet VBA Associés est engagé sur ce terrain aux cotés de plusieurs clients prenant en charge les intérêts des restaurateurs.
Mais la bataille des professionnels pour contraindre les assurances à indemniser leurs pertes d’exploitations est loin d’être arrivée à son terme. Les procédures seront âprement contestées. Mais les respectives sont favorables. De plus, les assureurs répondent par une nouvelle offensive, en obligeant les restaurateurs à accepter des avenants à leurs contrats, excluant expressément les pertes d’exploitation liées aux conséquences de la pandémie de Covid-19 à partir du 1er janvier 2021, sous peine de résiliation de leur contrat. Un risque pour les restaurateurs de se retrouver sans assurance.
[1] Arrêté du 14 mars 2020
[2] Ordonnance de référé n°2020017022 rendue par le Tribunal de commerce de Paris
[3] Tribunal de commerce de Paris, 17 septembre 2020, n°2020022825
[4] Article L113-1 du Code des assurances