La fusion-absorption consiste en une transmission universelle du patrimoine entrainant la dissolution de la société qui est absorbée.
S’agissant de la responsabilité pénale de la société absorbante, la Cour de Cassation a récemment opéré un revirement de jurisprudence majeur afin de se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne. Désormais :
une société absorbante pourra être condamnée pénalement pour des faits commis par la société absorbée même si ceux-ci sont antérieurs à la fusion.
Le désaccord entre la Cour de cassation et la CJUE
Auparavant, la jurisprudence de la Cour de cassation n’était pas conforme à celle de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Le 5 Mars 2015 (CJUE, 5 mars 2015, aff. C-343/13), cette dernière avait estimé que la transmission de la responsabilité pénale à la société absorbante était possible lors de la fusion-absorption quand bien même les faits de la société absorbée avaient eu lieu avant l’opération de fusion.
Malgré cette décision, la Cour de cassation avait maintenu sa position antérieure, par une motivation logique et compréhensible liée à la personnalité juridique. Elle avait estimé que « l’article 121-1 du Code pénal ne [pouvait] s’interpréter que comme interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l’encontre de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière perde son existence juridique ».
La transmission universelle du patrimoine attachée à l’opération de fusion-absorption ne pouvait entraîner la violation du principe de personnalité des peines, qui constitue un garde-fou important à l’arbitraire.
Le revirement interne de jurisprudence
Auparavant, la société absorbante ne pouvait donc pas faire l’objet d’une amende ou d’une confiscation pour des faits commis par la société absorbée et précédant la fusion (Cass. Crim., 20 juin 2000, n° 99-86.742, Bull. crim., n° 237 ; Cass. Crim., 14 oct. 2003, n° 02-86.376, Bull. crim., n° 189 ; Cass. Crim., 9 sep. 2009, n° 08-87.312 ; Cass. Crim., 18 févr. 2014, n° 12-85.807).
Cette situation soulevait des difficultés puisque des manquements au Code du travail et au Code pénal constatés après un accident du travail, par exemple, demeuraient impunis.
La Cour de Cassation s’est donc rangée à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne en 2019 (CEDH, 24 oct. 2019, n° 37858/14) affirmant que « la société absorbée n’était pas véritablement “autrui” à l’égard de la société absorbante ».
Par le jeu d’une fiction, elle a donc considéré qu’il y avait une certaine continuité fonctionnelle et économique de la personne morale.
Depuis le 25 Novembre 2020, la société absorbante peut donc être condamnée pénalement lorsque des manquements constitutifs d’infractions au Code du travail, d’homicide ou de blessures involontaires ont été commis antérieurement à la fusion par la société absorbée.
Cette jurisprudence permet de protéger les intérêts des tiers lésés par la dissolution de la société absorbée.
Les limites à la responsabilité pénale de la société absorbante
Le jeu de cette fiction trouve ses limites dans le fait que la continuité de la personne morale trouve son fondement uniquement dans la transmission universelle de patrimoine.
C’est ainsi que la société absorbante ne pourra se voir imputer que des peines d’amendes et de confiscation. Aucune peine complémentaire ne pourra être prononcée à son encontre.
Aucun transfert de responsabilité pénale ne pourra s’opérer au détriment des personnes physiques à la tête de la nouvelle forme sociale.
Cette continuité ne concernera que certaines sociétés : les sociétés anonymes (SA) et les sociétés par action simplifiées (SAS) et à condition de ne pas constater une volonté de fraude de la part de la société absorbée.