Maureen PANNIER
Département juridique – droit des sociétés
1-Quorum requis pour l’adoption des décisions collectives
Le « quorum » est la fraction du capital social qui doit être présente ou représentée pour qu’une assemblée puisse délibérer valablement.
Dans les SARL constituées à compter du 4 août 2005 ou ayant opté pour ce régime, la validité des délibérations des assemblées ayant pour objet la modification des statuts est également subordonnée à la constatation d’un quorum.
Pour que l’assemblée puisse valablement délibérer, le président ou le bureau doit, avant l’ouverture des débats, constater que le quorum est atteint. Ce quorum doit ensuite subsister pendant toute la durée de l’assemblée et, lors du vote de chaque résolution, il faut s’assurer qu’il est toujours atteint.
- Majorité requise pour l’adoption des décisions collectives des SARL
2.1. Principes généraux
Les conditions de majorité pour adopter une décision collective sont fixées en fonction du nombre de parts dont dispose chaque associé, le nombre requis étant plus ou moins important suivant la nature ordinaire ou extraordinaire de l’assemblée.
Que la décision soit ordinaire ou extraordinaire, chaque associé dispose d’un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu’il possède.
Lorsque des associés ou actionnaires présents ou représentés à une assemblée s’abstiennent de voter, les parts ou actions qu’ils détiennent sont prises en compte dans le calcul du quorum.
Les effets des abstentions sur le calcul de la majorité pour l’adoption des résolutions diffèrent en fonction de l’assiette sur laquelle ces majorités sont calculées.
Dans la SARL, la solution varie selon le type de résolution concerné.
La majorité pour l’adoption des résolutions ordinaires est calculée, sur première consultation, en fonction du nombre total de parts de la société (C. com. art. L 223-29, al. 1). Il a été jugé que, lorsque la majorité requise n’est pas atteinte pour l’approbation ou le rejet de la décision, il y a lieu à seconde convocation, quand bien même plus de la moitié des parts était présente ou représentée.
Pour apprécier si la majorité requise sur première consultation est atteinte, il faut comptabiliser uniquement les votes « pour » et « contre ». Une seconde consultation est donc nécessaire si, du fait d’associés absents ou d’abstentions, ni les votes « pour » ni les votes « contre » n’atteignent la majorité requise. Sur seconde consultation, les résolutions sont adoptées à la majorité relative des votes émis de sorte que les abstentions sont exclues du décompte.
Pour les résolutions extraordinaires, la majorité est calculée, non pas en fonction des voix exprimées mais en fonction, selon le cas, soit du nombre total de parts sociales (pour les sociétés constituées avant le 4-8-2005 et n’ayant pas opté pour le régime issu de la loi 2005-882 du 2-8-2005), soit des parts détenues par les associés présents ou représentés (pour les sociétés constituées à compter du 4-8-2005 ou ayant opté pour le régime issu de la loi 2005-882). Il en résulte que, dans les deux cas, l’abstention équivaut à un vote « contre ».
2.2 Majorité requise pour l’adoption des décisions collectives ordinaires de SARL
Aux termes de l’article L 223-29 du Code de commerce, les décisions ordinaires sont valablement adoptées :
- Sur première consultation, par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales (majorité absolue) ;
- Si cette majorité n’est pas obtenue et sauf stipulation contraire des statuts, sur deuxième consultation, à la majorité des voix émises (majorité relative), quel que soit le nombre des votants.
Il résulte de ces dispositions que :
- Sur première consultation, la majorité se calcule en tenant compte de l’ensemble des parts sociales composant le capital et non pas en fonction des parts détenues par les associés présents ou représentés à l’assemblée,
- Les statuts peuvent écarter la seconde consultation, imposant alors la majorité absolue pour toutes les décisions ordinaires.
Les règles de majorité énoncées ci-dessus s’appliquent sauf dispositions particulières.
Les statuts ne peuvent pas prévoir, sur première consultation, l’adoption des décisions ordinaires à la majorité relative. Les décisions prises en violation des règles de majorité régissant les décisions collectives ordinaires peuvent d‘ailleurs être annulées à la demande de tout intéressé.
Les statuts peuvent, en outre, imposer, pour l’adoption des décisions ordinaires, une majorité plus élevée que la majorité légale, par exemple les deux tiers ou les trois quarts, notamment concernant la révocation du gérant et les tribunaux ont également reconnu cette même faculté à d’autres décisions.
Les rédacteurs des statuts qui prévoient pour les décisions ordinaires une majorité renforcée ou – ce qui revient au même – une minorité de blocage doivent prendre soin :
- d’écarter dans ces statuts la possibilité d’une seconde consultation au cas où les résolutions proposées par la gérance ne seraient pas adoptées lors de la première consultation,
- ou de maintenir la majorité renforcée pour la seconde consultation. A défaut en effet, la clause serait dépourvue de toute efficacité.
2.3 Majorité requise pour l’adoption des décisions collectives extraordinaires de SARL
2.3.1 Institution d’un double régime
L’ordonnance 2004-274 du 25 mars 2004 a offert aux SARL la possibilité de comprendre jusqu’à 100 associés, au lieu de 50 auparavant. Pour tenir compte de cette évolution, la loi 2005-882 du 2 août 2005 a allégé les conditions de majorité des décisions extraordinaires pour les sociétés constituées à compter du 4 août 2005 et pour les sociétés constituées antérieurement qui opteraient pour ce régime (n° 61505).
En contrepartie, elle a institué un quorum afin de garantir la représentation d’un nombre minimal d’associés.
La date à prendre en compte pour déterminer à quel régime est soumise la société est celle de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
- SARL constituées avant le 4 août 2005
Sauf exceptions, les modifications des statuts sont décidées par les associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales (C. com. art. L 223-30, al. 2). Il n’est pas possible d’aggraver dans les statuts ces conditions de majorité, toute clause exigeant une majorité plus élevée étant réputée non écrite (même art.).
Il ne semble pas que les statuts puissent prévoir une majorité moins élevée.
Un associé qui détient un quart des parts sociales plus une peut donc empêcher toute modification des statuts ; il dispose de ce qu’on appelle la « minorité de blocage ». Ce droit ne doit cependant par être exercé de manière abusive.
L’application du régime des sociétés constituées à compter du 4 août 2005 (ci-après exposé) aux sociétés constituées antérieurement est possible si les associés le décident à l’unanimité.
- SARL constituée à compter du 4 août 2005
L’assemblée ne délibère valablement sur les modifications des statuts que si les conditions de quorum sont respectées et les modifications sont décidées, sauf exceptions, à la majorité des deux tiers des parts détenues par les associés présents ou représentés, sur première comme sur deuxième convocation (C. com. art. L 223-30, al. 3).
Les statuts peuvent prévoir une majorité plus élevée, sans pouvoir toutefois exiger l’unanimité
(C. com. art. L 223-30, al. 3). Il semble que les statuts ne puissent pas prévoir une majorité moins élevée.
Un associé qui détient un tiers des parts sociales plus une peut donc empêcher toute modification des statuts ; il dispose de ce qu’on appelle la « minorité de blocage ». Toutefois, il ne saurait exercer son droit de manière abusive.
2.4 Règles particulières à certaines décisions de SARL
Que la société soit constituée avant ou à partir du 4 août 2005, l’adoption de certaines décisions est soumise aux règles de majorité ci-après exposées :
- L’unanimité des associés est requise pour :
- Le changement de nationalité de la société (C. com. art. L 223-30, al. 1), ce qui résulte du transfert du siège social à l’étranger ;
- La désignation du commissaire aux apports sans passer par le juge en cas d’augmentation du capital par apports en nature (C. com. art. L 223-33, al. 1) ;
- La transformation en société civile (C. civ. art. 1836, al. 2) ;
- La transformation en SNC ou en société en commandite (C. com. art. L 223-43, al. 1) ;
- La transformation en SAS (C. com. art. L 227-3) ;
- L’absorption de la société par une SAS
- La décision d’une société constituée avant le 4 août 2005 de se soumettre au régime de quorum et de majorité institué par la loi 2005-882 du 2 août 2005 (C. com. art. L 223-30, al. 3) ;
- Et plus généralement pour toute augmentation des engagements des associés (C. com. art. L 223-30, al. 5).
En outre, l’unanimité est requise, en matière de fusion ou de scission.
- La majorité de plus de la moitié des parts, autrement appelé « majorité absolue » est exigée pour :
- La révocation du gérant, sur première convocation, même s’il s’agit d’un gérant statutaire, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte (C. com. art. L 223-25) ;
- La suppression, sur première convocation, du nom du gérant dans les statuts en cas de cessation des fonctions pour quelque cause que ce soit (C. com. art. L 223-18, al. 2) ;
- La ratification, sur première convocation, des modifications des statuts opérées par le gérant en cas de location de parts sociales (C. com. art. L 223-18, al. 10) ;
- Le déplacement du siège social en France (C. com. art. L 223-30, al. 1) ;
- La ratification, sur première convocation, de la décision du gérant de déplacer le siège social sur le territoire français (C. com. art. L 223-18, al. 8) ;
- La transformation de la société en SA quand l’actif net figurant au bilan excède 750 000 € (C. com. art. L 223-43, al. 2).
- Les décisions suivantes ne peuvent être prises qu’à la majorité en nombre d’associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte :
- Agrément de cessions de parts à un tiers étranger à la société ;
- Lorsque les statuts l’ont soumise à agrément, cession de parts entre conjoints, ascendants, descendants, transmission de parts par succession ou liquidation de communauté de biens entre époux et procédure à suivre en cas de refus d’agrément ;
- Consentement à un projet de nantissement de parts sociales.
Avant l’ordonnance 2004-274 du 25 mars 2004, la double majorité en nombre et en parts était déjà requise mais portait sur la majorité des associés représentant au moins les trois quarts des parts.
Les statuts qui reproduisent encore cette ancienne règle légale continuent à s’appliquer puisque la loi dispose que les statuts peuvent prévoir une majorité plus forte que l’actuelle majorité simple. Ils doivent en revanche être modifiés si les associés veulent bénéficier des dispositions nouvelles.
Le calcul de la majorité en nombre d’associés lorsqu’il existe des parts indivises, en usufruit ou louées ne sera pas évoqué ici.
Enfin, il convient de préciser que certaines modifications de SARL seront réglées au cas par cas, en fonction des spécificités et de la nature de l’opération envisagée.
A titre d’exemple, l’unanimité ne peut être prévue par les statuts pour la révocation du gérant. En effet, en l’absence de disposition légale contraire, le gérant, s’il est associé, participe au vote et exiger l’unanimité aboutirait à rendre irrévocable un gérant associé. La cour d’appel de Paris a précisé que la clause des statuts d’une SARL prévoyant que les gérants sont révoqués par décision unanime des associés est nulle et que l’assemblée générale avait valablement pu passer outre et révoquer l’un des gérants à la majorité légale.
2.5 Sanctions du non-respect des règles de majorité requis pour l’adoption des décisions collectives de SARL
Les décisions collectives prises en violation des règles de majorité peuvent être annulées à la demande de tout intéressé. Il s’agit d’une nullité facultative. Par exception, la violation des conditions de majorité requises pour la transformation de SARL entraîne la nullité de plein droit de la décision, nullité que le juge est obligé de prononcer.