Franck BENHAMOU – Avocat
Le choix de l’adversaire peut s’avérer particulièrement délicat lorsque le requérant envisage d’agir contre les associés, les dirigeants ou la personne morale avant la constitution de la société.
En effet une société, telle que définie par l’article 1832 du code civil, acquiert la personnalité juridique au moment de son immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS). C’est à compter de cette immatriculation que la société devient titulaire de droits et de devoirs et peut être poursuivie en justice et condamnée si sa responsabilité est engagée.
Néanmoins, dans le cadre d’une société en formation, le régime diffère, notamment en ce qui concerne les actes préalables à la création et à l’immatriculation réalisés par les associés fondateurs.
En effet, dans un arrêt du 17 mai 2023 (numéro de pourvoi 22-16.031), la Chambre Commerciale de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur cette question. En l’espèce, une société avait poursuivi la société créée par l’un de ses anciens salariés pour concurrence déloyale.
Le salarié était sur le point de se faire licencier et avait transféré plusieurs documents confidentiels de son ancien employeur vers sa boite mail personnel, dans le but de contester son licenciement. Quelques mois plus tard, il avait finalement créé sa propre entreprise exerçant des activités similaires.
La Cour de cassation s’était prononcée en faveur de la société défenderesse, refusant de reconnaître sa responsabilité pour concurrence déloyale. Elle avait fondé sa décision sur l’absence de personnalité juridique de la société au moment des faits.
En conséquence, la Haute Cour rappelle qu’il est inenvisageable d’engager une action contre une entité qui n’a pas d’existence juridique au moment des faits. De surcroît, l’absence de procédure de reprise aurait rendu difficile la preuve que l’acte fautif avait été réalisé au nom et pour le compte de la société en formation.
Avec cette décision, la Cour de cassation réaffirme le principe d’irresponsabilité de la personne morale lorsque cette dernière se trouve dépourvue de personnalité juridique.
(Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 mai 2023, n°22-16.031)