Le télétravail a fait son apparition en France en 1993 à l’occasion d’une mission confiée à Thierry Breton par le Premier ministre, Edouard Balladur.
De très marginal, il est devenu viral… grâce à la Covid-19.
Que se passe-t-il si un salarié se brûle dans sa cuisine avec sa tasse de café pendant sa pause de télétravail ?
Rappelons que, selon l’article L. 1222-9 III du Code du travail :
« L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ».
Aussi, est présumé accident du travail, l’accident survenu :
- sur le lieu où est exercé le télétravail ;
- durant l’exercice de l’activité professionnelle, c’est-à-dire durant les plages horaires du télétravail.
Une société doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité et protéger les travailleurs même dans le cadre du télétravail, ce qui est délicat dans la mesure où l’employé est à son domicile et que les moyens de contrôle sont donc ténus. Il ne peut opérer de contrôle du matériel chez le salarié sans avoir l’accord de ce dernier.
Mais qu’en est-il de l’accident survenu durant le temps de pause ?
Se pose la question de savoir si, comme en matière d’accident dans les locaux de l’entreprise, s’applique une conception extensive du temps de travail.
Pour rappel, la jurisprudence considère que le temps juste avant ou juste après la prise de poste, ou les temps de pause font partie du temps de travail.
Selon un auteur doctrinal, une lecture stricte de l’article L. 1229-9 III conduirait à répondre par la négative car, selon lui, l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale fait référence aux accidents survenus par le fait ou à l’occasion du travail, ce qui a conduit les juges à considérer comme accident du travail les accidents survenus sur le lieu de travail, même dans un temps proche de l’horaire de travail.
Or, la rédaction de l’article L. 1222-9 du Code du travail limite la prise en charge aux seuls accidents survenus sur le lieu où est exercé le télétravail, et durant les plages horaires du télétravail.
Cependant, il n’est pas exclu que les juges retiennent une acception extensive de la notion de temps de travail.
Le salarié doit démontrer l’existence d’un fait accidentel au temps et lieu de télétravail
L’employeur a donc tout intérêt à vérifier les déclarations du salarié et à s’efforcer de rechercher si l’accident a eu lieu en dehors des lieu/temps de télétravail.
Pour ces raisons et bien d’autres, la mise en œuvre du télétravail par accord collectif ou par charte est préconisée, ce d’autant que l’accord collectif ou la charte doit préciser, en application des dispositions légales :
- les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail
- la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.
De ces éléments, l’employeur pourra tirer des informations sur les circonstances de l’accident. Il pourra également se fonder sur tous les indices à sa disposition : les horaires habituels de travail, l’envoi d’e-mails, des appels téléphoniques, etc.
En pratique, la preuve que l’accident a bien eu lieu au temps et au lieu de travail peut être rapportée par tous moyens.
Dans le cadre du télétravail, la difficulté réside dans le fait que l’accident survenu au domicile du salarié ne comptera bien souvent pas de témoins ou pour seuls témoins des membres de la famille du télétravailleur dont la crédibilité des témoignages pourrait être remise en cause.
Le faisceau d’indices est constitué d’indices précis et concordants, pouvant se concrétiser à travers :
- l’appel et la prise en charge par les services de secours dans un temps proche de l’heure déclarée de l’accident ;
- la délivrance d’un certificat médical initial le jour même de l’accident ;
- la corrélation entre la nature de la lésion et l’activité du salarié.
Une fois établie, la présomption d’imputabilité peut être renversée par l’employeur
L’employeur est admis à combattre une présomption d’accident de télétravail en démontrant, par exemple :
- que le salarié s’était soustrait à son autorité ;
- et/ou que l’accident a une cause totalement étrangère au travail.
L’exercice est habituellement délicat et se complexifie dans le cadre du télétravail.
Tel est le cas, par exemple, de l’infarctus au temps et au lieu de travail.
La jurisprudence est particulièrement restrictive quant à la possibilité de renverser la présomption.
Il appartient en effet à l’employeur de rapporter la preuve que l’infarctus a une cause totalement étrangère au travail (Cass. soc., 12 oct. 1995, no 93-18.395).
La tâche est difficile mais pas impossible…
Dans des circonstances dramatiques, la Cour de cassation a refusé la qualification d’accident du travail au cas d’une salariée tuée par son mari, en temps et lieu de travail. Les juges avaient constaté « qu’après avoir fait sortir de son bureau un membre du personnel, la victime s’était enfermée dans la pièce avec son mari pour traiter ensemble de leurs problèmes conjugaux, qu’elle avait ainsi interrompu son activité professionnelle et s’était soustraite, pour un temps indéterminé à l’autorité de son employeur » (Cass. soc., 23 janv. 1985, no 83-15.263).
De même l’exécution d’un travail personnel serait susceptible de remettre en cause la qualification d’accident du travail. Mais encore faudrait-il pouvoir établir qu’il s’agissait bien d’un travail personnel.
En conclusion, une fois que le salarié aura établi que son accident peut être raisonnablement présumé être causé en télétravail, il sera très difficile de renverser cette présomption.
L’accident de télétravail est donc bel et bien un accident du travail comme un autre.