Le statut d’agent commercial est encadré par les articles L.134-1 et suivants et R. 134-1 et suivants du Code de commerce, dispositions directement issues de la Directive européenne n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants.
Dans une optique de protection des agents commerciaux, la Loi prévoit que l’agent commercial, après cessation du contrat, a droit une indemnité et/ou à la réparation du préjudice né de cette rupture. Les causes de déchéance ou d’exclusion de ce droit à indemnité sont strictement encadrées, et limitativement énumérées (en cas par exemple de manquement imputable à l’agent).
Il était d’usage en France de prévoir dans les contrats d’agents commerciaux une période d’essai. La Cour de cassation jugeait que la rupture de la relation contractuelle au cours de cette période – et avant que le contrat ne soit définitivement conclu et le statut des agents commerciaux, applicable à la relation – permettait ainsi au commettant de rompre le contrat sans avoir à payer une indemnité. (Cass.com., 23 juin 2015, n°14-17.894)
La Chambre commerciale de la Haute juridiction, dans un arrêt du 23 janvier dernier et publié au Bulletin, est revenue sur sa position, se conformant ainsi au droit européen et à la récente décision de la Cour de Justice de l’union Européenne. (Cass.com., 23 janvier 2019, n°15-14.212)
- La décision de la CJUE
Le 19 avril 2018, la Cour de Justice de l’Union Européenne, saisie d’une question préjudicielle de la Cour de cassation française, a rendu un arrêt sur le sujet jugeant que la jurisprudence française était contraire au droit européen. (CJUE, 19 avril 2018, C‑645/16).
Elle a en effet considéré que l’interprétation du juge français, selon laquelle aucune indemnité n’est due en cas de rupture du contrat d’agent commercial pendant la période d’essai n’était pas compatible avec le caractère impératif du régime et constituait une atteinte importante à l’objectif de protection des agents commerciaux recherché par la Directive de 1986.
Elle a également rappelé que les régimes d’indemnisation prévus dans cette directive visaient, non pas à sanctionner la rupture du contrat, mais bien à dédommager l’agent commercial pour le préjudice subi du fait de cette rupture prématurée, le privant ainsi de la part de marché développée par lui à la marque du commettant durant cette période.
La Cour de Justice a donc jugé que cette indemnité était uniquement destinée à dédommager l’agent commercial pour ses prestations passées « dont le commettant continuait à bénéficier au-delà de la cessation des relations contractuelles ».
Elle a considéré en substance que dans le silence de la directive de 1986 et en vertu de la liberté contractuelle, le contrat d’agent commercial pouvait prévoir une période d’essai, mais que cette période d’essai ne faisait pas échec à la mise en œuvre du mécanisme d’indemnisation de cessation du contrat.
- Ce qu’il faut retenir
Dans ces conditions, la Cour de cassation n’a pu que tirer les conséquences de cette décision et a opéré, le 23 janvier dernier, le revirement de jurisprudence attendu.
Il ressort désormais de ces arrêts que le contrat d’agent commercial peut prévoir une période d’essai, mais qu’en cas de rupture dudit contrat pendant cette période par le mandant, l’agent commercial pourra tout de même prétendre à une indemnité compensatrice.
La mise en œuvre de ce droit par l’agent commercial ne demeure toutefois pas aisée : Encore faut-il que celui-ci notifie à son mandant dans un délai d’une année à compter de la cessation de la relation sa volonté de faire valoir ses droits, et qu’il chiffre le montant de sa demande indemnitaire, dont le montant reste aujourd’hui encore largement laissé à l’appréciation des juges.