« Le diable est dans le détail »
Etonnante décision mais qui remet « l’église au milieu du village » de la Cour de Cassation, chambre commerciale du 13 janvier 2021.
Au cas d’espèce, un dirigeant d’une SAS et sa compagne qui détenaient la totalité des actions de la société, envisagent la cession de celle-ci et contractent une promesse de cession de l’intégralité du capital.
Quelques temps avant la réitération de l’opération, une assemblée générale décide d’accorder une prime exceptionnelle de 83 000 Euros au dirigeant cédant, prime anormalement élevée au regard des habitudes de la société.
Il doit être précisé que cette cession était assortie d’une garantie d’actif et de passif (GAP).
A l’évidence, les cessionnaires et leurs conseils n’ont pas eu la présence d’esprit ou le réflexe d’actionner et de mettre en œuvre la garantie d’actif et de passif et ont donc choisi d’articuler leur action sur le fondement de l’abus de majorité pour arriver à leurs fins, c’est-à-dire à la récupération de cette prime exceptionnelle.
Une Cour d’Appel, au cas d’espèce la cour d’appel de BOURGES, avait considéré le 14 juin 2018, que cette prime constituait bien une rémunération abusive car manifestement « excessive et contraire à l’intérêt social »
La Cour de Cassation est revenue sur cet arrêt, considérant de manière assez pertinente et fine d’ailleurs, que cette délibération ne pouvait constituer un abus de majorité, dès lors que cet abus suppose non seulement une décision contraire à l’intérêt social mais devait également avoir été prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des autres associés.
En substance, la Cour considère que les demandeurs ont mélangé et confondu l’intérêt de la majorité et la légitimité éventuelle de cette prime attribuée au dirigeant.
Au cas d’espèce, cette condition cumulative n’étant pas réunie la Cour de cassation a considéré qu’il n’y avait pas abus de majorité.
Cette décision réaffirme les principes en matière d’abus de majorité et ses conditions de recevabilité mais adresse également d’une certaine façon un message sévère au cessionnaire et à leurs conseils qui n’ont pas articulé le bon moyen ou en tout cas qui n’ont pas pris la bonne décision judiciaire stratégique.
La valeur ajoutée du conseil réside bien essentiellement dans cette anticipation stratégique.
(Cour de cassation civile, chambre commerciale 13.01.2021 – N° 18-21.860)